TSCG : ça, on n’en veut plus
L’adoption, ou pas, du « Traité sur la stabilité, la coordination et la Gouvernance » au sein de l’Union Européenne (« TSCG ») fait aujourd’hui débat. Ce traité concerne un certain nombre de règles qui ne viennent pas de nul part.
Des « critères de convergences » ont été mis en place il y a 20 ans, le 7 février en 1992, par le traité de Maastricht, pour fixer les conditions que les états européens devaient respecter pour entrer dans la zone euro.
Ces critères, repris à l’article 121 du traité sur le fonctionnement de la Communauté européenne, imposent de maîtriser l’inflation, la dette publique et le déficit public, de stabiliser les taux de change et de faire converger les taux d’intérêt. Sans ambiguïté, ce même article 121 est visé dans le très long préambule du TSCG.
En pratique, depuis 20 ans, il existe donc une règle écrite selon laquelle le taux d’inflation d’un état de la zone euro (ou qui est candidat à son admission dans la zone euro) ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui des trois États ayant le taux le plus faible ; le déficit public d’une année ne peut pas dépasser 3 % du produit intérieur brut de l’année précédente (« PIB ») ; la dette totale publique ne peut pas dépasser 60 % du même PIB ; les taux d’intérêt à long terme ne doivent pas excéder de plus de 2 % ceux des trois pays ayant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix. A partir de 2005, un dépassement exceptionnel et temporaire est devenu autorisé pour prendre en compte « la situation économique » et « les réformes structurelles engagées ».
La crise passant à nouveau par là, comme elle le fait de façon de plus en plus fréquente, la tentation des États a été forte de tirer sur la ficelle de la « situation économique » pour appliquer de façon plus « souple » les critères imposés.
Au delà de la sempiternelle crise, il est apparu clairement que le non respect des critères provenait aussi d’une gestion hasardeuse (en Grèce par exemple, avec notamment un maquillage des comptes publics pour faire croire au respect des critères) ou encore d’un choix politique délibéré (en France par exemple, avec une diminution forte des recettes fiscales tandis que les dépense de l’État restaient stables).
La situation, déjà tendue, s’est cristallisée lorsque plusieurs États européens ont fait l’objet d’attaques spéculatives. Entre les préteurs et les États endettée, la confiance n’était plus au rendez-vous. Les préteurs doutaient sans doute de la capacité des États à honorer leur dette. On pouvait certainement douter de la bonne foi de prêteurs mêlés à des activités spéculatives hasardeuses, à des « bulles » spéculatives qu’on avait vu exploser année après année, à la crise des sub primes…
Face à une situation où les États se trouvaient dans la main des organismes bancaires, (après les avoir aidés juste avant, avec très peu de conditions) on aurait pu s’attendre à des mesures salutaires : avancée vers une Europe Fédérale capable de mettre en place une meilleure coordination ; affirmation d’objectifs nouveaux prenant en compte la situation sociales et intégrant des grands impératifs écologiques de notre temps.
On aurait pu s’attendre à voir la mise en place d’une gouvernance européenne qui garantisse la solidarité des peuples, qui prenne en compte l’évolution que nous impose la fin de l’énergie bon marché, l’épuisement des ressources naturelles, la lutte contre le changement climatique. En d’autre terme, l’enjeu de la situation étant aussi fort, on aurait pu s’attendre à voir l’idéal européen renouvelé pour le plus grand bien de la solidarité et de la paix entre les peuples, en réaffirmant le rôle du politique face à la finance ; en garantissant le fonctionnement démocratique d’une grande fédération plutôt que les tractations de couloir.
Au lieu de cela, le TSCG propose une explicitation de la règle déjà existante, et la promesse que, juré craché, on se reverra très bientôt pour mettre ça au propre et intégrer ce qu’on s’est dit dans les grands traités européens.
Au lieu d’un grand dessein renouvelé pour l’Europe, il propose de renouer avec une croissance dont on sait depuis 30 ans qu’elle ne reviendra jamais sous la forme sous laquelle nous l’avons connue.
On peut prévoir sans grand risque de se tromper qu’avant l’échéance des 5 ans à venir les États se retrouveront autour d’une table, non pour évaluer avec bonheur le chemin parcouru, mais pour refaire à nouveau l’amer constat d’un système européen en panne, face à une crise dans laquelle nous serons plongés encore plus profondément par les mesures renforcées par le TSCG.
Si une forte majorité se dégage à Europe Écologie – les Verts, contre le TSCG, ce n’est certainement pas pour laisser filer l’endettement. Ce serait même contraire à tout ce que nous véhiculons en matière de développement durable. Il ne peut pas être imaginable pour nous de fonder l’économie du moment sur une dette que nos enfants auront à rembourser.
Si une forte majorité se dégage contre le TSCG, c’est parce qu’il repose sur des présupposés archaïques (essentiellement cette « croissance » dont on ne réinterroge pas le contenu) sur lesquels l’économie actuelle ne peut plus fonctionner et que la planète ne pourrait pas supporter.
Une transition écologique de l’économie européenne, avec un pouvoir repris par le politique sur le financier, dans le cadre d’une grande fédération serait certainement plus efficace pour répondre aux enjeux économiques, écologiques et sociaux, que la répétition et la précision de règles déjà préexistantes pour rassurer les marchés.
Le sentiment qu’on peut avoir aujourd’hui, c’est qu’avec ou sans TSCG la situation ne sera pas fondamentalement différente à court terme. On aura simplement, une fois de plus, enkysté les mêmes principes, les mêmes répétitions, les mêmes dogmes qui ont peut être fait la richesse passée des nations mais les conduisent aujourd’hui dans l’impasse. Et c’est précisément cela dont nous ne voulons pas.
Alain VANTROYS
Porte parole
Europe Ecologie – Les Verts
Groupe Pays de Lannoy